« Nous sommes toutes des mères séparées » *
"Mère célibataire", "maman solo", "mères isolées"... A force de vouloir nous faire entrer dans des cases, nous ne savons même plus nous-mêmes dans laquelle nous mettre. A NVEF, nous préférons parler de parents séparés.
Toi aussi, tu fais partie du tiers des familles – monoparentales et recomposées – de la France ? Ici, nous témoignons pour documenter depuis "la vraie vie des mères" la fabrique des inégalités familiales, notamment économiques. La page est en construction mais tu peux nous écrire.


Les cofondatrices de NVEF aussi sont des mères séparées (et célibataires).
C'est ici pour savoir qui nous sommes en vrai (et d'où l'on parle)
Suis-je toujours une « mère célibataire » si je suis de nouveau en couple avec un homme ? Parce que, techniquement, je ne suis plus célibataire mais, de façon pratique, mon nouveau Jules ne s'occupe pas plus de mon enfant que son père biologique...
Puis-je me dire « mère isolée » si je suis en garde alternée ? Parce que, techniquement, la moitié du temps où j'ai mes enfants avec moi, je n'ai toujours aucun relais familial pour m'aider...
Et puis-je me dire « maman solo » si je n’ai pas la garde principale de mes enfants ? Parce que, techniquement, pour le coup, je suis vraiment seule 70% du temps... (oui, on a fait le calcul : un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, c'est un rapport de 30/70)
En voilà des questions bien genrées !
Notez qu'un père, qu'il n'ait qu'un droit de visite et d'hébergement classique ou la garde partagée, ne s'en pose aucune : la société lui reconnaît d'office le "statut" de père célibataire.
Toujours bon à prendre puisqu'il suscite soit la commisération (le "pauvre papa" abandonné), soit la convoitise de ses congénères (il est libre, Max), voire celle des candidates à l'amour (un coeur à prendre, redoré de l'onction de paternité).
Comme ces expressions tendent à nous faire entrer dans une boîte qui n’existe pas – à savoir que notre "statut" de mère dépendrait d’un homme, qu’il soit ou non le père de nos enfants –, nous nous interrogeons sur notre propre légitimité à les employer.
Des questions insolubles dans le patriarcat
Ces questions – insolubles – n’existeraient pas si on ne nous avait pas lavé le cerveau à la machine patriarcale. Cette lessiveuse nous empêche de penser la réalité : reformer un couple ne change rien au fait que vous élevez seule, à temps plein ou partiel, vos enfants.
Nos responsabilités parentales ne s'arrêtent pas à la porte d'un nouveau "foyer", pas plus que celles des pères devraient s'y arrêter.
A NVEF, nous préférons donc parler de « parents séparés » et, plus souvent, de « mères séparées » parce que c'est la réalité* : une mère séparée du père de son ou ses enfants le restera toujours. La situation de monoparentalité, elle, est transitoire : la majorité d’entre nous retrouvons – et c’est heureux – un compagnon ou une compagne.
Les mots véhiculent les préjugés
Toutes ces façons de nous désigner emportent des préjugés péjoratifs. "Mères isolées", nous serions des pauvres assistées puisqu'il s'agit du terme – "parents isolés" – utilisé dans le code de l'action sociale pour spécifier notre situation et nous accorder les droits sociaux afférents.
"Maman solo", nous devrions assumer notre "condition" parentale exclusive sans rien dire – et souffrir en silence – puisqu'on l'a "bien voulu". Notre indépendance effraie : une "maman" ne peut être "solo". Nous sommes la menace incarnée du modèle patriarcal de la famille.
Toutes des mères indignes, vraiment ?
Et nous sommes donc, de facto et toutes, de mauvaises mères. Se dire "mères séparées", c'est commencer à lutter contre notre propre culpabilité. Les femmes en couple ne sont pas de meilleures ou de moins bonnes mères que les célibataires, et nous le savons.
En revanche, la séparation est un puissant révélateur des capacités parentales... des hommes. En 2018, seulement 15% des 4 millions d’enfants grandissant auprès d'un parent séparé sont élevés par un père seul.