"Les femmes riches ne courent pas les rues"

Le documentaire de Véronique Préault égraine et décortique un à un les maillons de la chaîne de l’appauvrissement des mères. Une leçon d'économie patriarcale, à prendre sans modération sur arte.tv.

DOCU TV

1/29/20253 min lire

Face caméra, des expertes reconnues – économiste, démographe, sociologue, psychothérapeute, conseillère financière… – éclairent ces liens fantômes qui maintiennent, dans nos sociétés « développées », les femmes dans l’illusion de l’égalité et de leur indépendance.

Des trajectoires financières complètement détournées

Les biais inconscients qui conditionnent les mères elles-mêmes à donner plus d’argent de poche à leurs fils (et à les justifier par leurs « besoins supérieurs ») ; ceux qui orientent nos filles vers des métiers moins rémunérateurs ; la « pénalité de maternité » que nous découvrons à l’épreuve de la première naissance ; les inégalités salariales qui en résultent… Jusqu’à la claque de la séparation, devant les « pots de yahourt » avec lesquels nous repartons : nous avons travaillé gratuitement pour l’entreprise familiale en ignorant que nous étions d’abord en train d’enrichir personnellement le père de nos enfants. Et ce, a fortiori si nous ne nous étions pas mariées « pour rester libres, bien sûr ! », ironise l’autrice (7’’, 2e volet).

La sécurité économique des femmes, tabou féministe

Pour la première fois, une enquête pointe les effets pervers, pour les femmes, d’une société qui régule les rapports économiques entre les sexes selon les statuts conjugaux : « Le mariage, cette vieille chose issue du passé, prévoit des mécanismes de compensation du niveau de vie à la rupture, que n’envisage pas du tout le contrat civil, le Pacs en France. En se privant de cette protection, dans un monde ou deux enfants sur trois naissent hors mariage, on dirait bien que les femmes négligent leur sécurité économique. »

La protection du patrimoine des pères, réalité tangible

Et, ce faisant, permettent à un système pensé pour protéger le pouvoir économique des pères, le « patrimoine », de se maintenir. Émerge alors le constat de l’implacable marche vers les inégalités de richesse au sein des couples. Marion Leturcq, chercheuse à l’Ined, y rappelle l’un des enseignements de ses travaux : les écarts de patrimoine individuel entre les hommes et les femmes en couple a quasiment doublé en presque 20 ans, passant de 9 % en 1998 à 16 % en 2015. Un phénomène qui « provient essentiellement de la part croissante du régime de séparation des biens ».

Du consentement économique libre et éclairé

Consentirions-nous toujours à signer des Pacs et des contrats de mariage si nous n’étions pas laissées dans l’ignorance de cette mécanique ? Et à faire des enfants ? « On ne peut pas vivre dans l’ignorance. Et on ne peut pas permettre, comme je l’ai fait à mon époque et pendant tant d’années, que les choses restent en l’état », témoigne Ivana Moral dans le deuxième volet du documentaire.

La voie de droit ouverte par Ivana Moral

Après 25 ans de mariage à s’être consacrée aux tâches familiales, cette Espagnole de 50 ans a obtenu, en février 2023, la condamnation en justice de son ex-époux à lui verser 205 000 € au titre de sa contribution aux charges du ménage, le code civil espagnol reconnaissant explicitement le travail domestique comme l’une de ces contributions ouvrant droit à une indemnité lors de la séparation. Preuve, s’il en fallait, que le droit, la loi, peut être un puissant levier de réparation du préjudice financier subi par les femmes dans la parentalité.

Des brèches dans le système à explorer

Enquête rigoureuse menée à l’international, « Les femmes riches ne courent pas les rues » ne se contente pas de démonter la mécanique des inégalités, elle en révèle les premières brèches : celles qu’empruntent des femmes dans des ateliers d’éducation financière ; celles qu’ouvrent des couples avant-gardistes organisant leur famille comme une « communauté de travail » pour mieux redistribuer, équitablement, les revenus du foyer ; celles que des pays – comme l’Espagne, ici encore – ont institutionnalisé, en accordant aux pères les mêmes droits aux congés parentaux qu’aux mères. Des droits sans lesquels l’émergence d’un modèle familial égalitaire ne sera jamais qu’une douce utopie, comme il le reste en France.

Toutes les femmes ne naissent pas pauvres, mais beaucoup le deviennent quand même… Dans « Les femmes riches ne courent pas les rues », la documentariste Véronique Préault observe chacun des rouages de la mécanique – entièrement invisibilisée – qui conduit, depuis l’enfance jusqu’à la retraite, les mères à s'appauvrir.

Durée : 2 X 52' - Ecriture et Réalisation : Véronique Préault ; Image : Guillaume Bression ; Montage : Laurence Barthomeuf & Cédric Harrang ; production : Tournez s'il vous plaît ; producteur : Fabrice Papillon.

A voir en libre accès sur Arte.tv jusqu’au 1er octobre 2025.