Et si les pères faisaient eux-mêmes la demande d’ASF ?

Dans une note récente, le think tank Terra Nova propose que les pères ne pouvant pas – ou déclarés comme tels – subvenir aux besoins de leurs enfants post-séparation fassent les démarches administratives pour obtenir l'allocation de soutien familial.

SOCIÉTÉ

1/29/20252 min lire

Pour que la pension ne soit plus une option

Kenza Tahri, la responsable de son pôle « Egalité femmes-hommes », y dresse un état de lieux des inégalités parentales, notamment économiques, qui se renforcent post-séparation. Et pointe les dysfonctionnements du modèle français de la pension alimentaire laquelle permet ou devrait permettre, en partie, de les compenser.

Pour rappel, en France, seulement un quart des mères célibataires déclarent percevoir une pension alimentaire. C’est le résultat des politiques familiales néonatalistes qui, dès les années soixante-dix et la hausse des séparations conjugales, sont venues pallier les défaillances des pères, particulièrement les plus modestes, n’assumant pas entièrement leur première responsabilité parentale : subvenir aux besoins de leurs enfants.

Qui sont vraiment les assistés ?

«Les mères célibataires sont souvent perçues comme des «assistées» alors que c’est le système lui-même qui privilégie les transferts publics aux dépens des contributions privées», souligne à raison la note. Qui propose d’instaurer «un principe universel»: tous les pères ayant des revenus, même modestes, doivent en allouer une part, aussi minime soit-elle, à l’entretien de leurs enfants […] Le principe d’une contribution, même symbolique, rappelle que chaque parent a une obligation morale et légale envers ses enfants.»

Car aujourd’hui, l’allocation de soutien familial (ASF), à savoir la pension alimentaire d’Etat, fonctionne comme une assurance sociale – qui profite, dans les faits, quasi-exclusivement aux pères – contre ce qui reste perçu comme un accident de la vie familiale : une séparation parentale*. Elle garantit aux parents non-gardiens de ne pas avoir à payer, en tout ou partie, ce qu’ils doivent à leurs enfants, en sus de ne pas les élever...

Faire changer la honte (sociale) de camp

Pour les responsabiliser, Terra Nova fait une proposition intéressante à plus d’un titre: que les démarches administratives auprès de la CAF pour obtenir le complément de l’ASF – qui vient compléter jusqu’à 200€ la contribution privée – reposent sur les pères. Ne pas le faire (en raison, par exemple, d’une «phobie administrative», une pathologie très genrée…) pourrait être passible d’une amende.

Une sanction financière incitative… et une façon de faire changer la honte sociale de camp en mettant les pères dans la nécessité de recourir à l’assistance publique, une position de «quémandeurs» dans laquelle sont injustement placées les mères post-séparation.

Pères, engagez-vous ! (mais pas dans l'armée)

«En responsabilisant les pères, soit par l’accomplissement de démarches, soit par des sanctions en cas d’inaction, elle limiterait les comportements de désengagement qui renforcent les inégalités entre parents, développe l’autrice. Cette approche ne se contente pas de corriger les inégalités existantes, elle envoie un message clair: la parentalité est un engagement durable et partagé, quel que soit le contexte économique ou familial.»

Et si les pères étaient contraints de recourir à l’assistance publique pour subvenir aux besoins de leurs enfants… comme le sont aujourd’hui les mères célibataires ? C’est, pour le dire de façon plus directe, l’une des propositions du think tank progressiste Terra Nova, dans une note publiée ce 22 janvier sur les « séparations conjugales et reconfigurations familiales : un angle mort de l’Etat providence ».

*Un « accident » dont est victime un couple sur deux… À croire que l’idéal patriarcal de la famille nucléaire ne fait plus rêver !