Le Québec consacre l'union parentale

Vue de France, la réforme québécoise du droit de la famille adoptée le 30 mai 2024 a tout l'air d'une révolution féministe. Outre-Atlantique, elle a été accueillie comme « un formidable pas dans la bonne direction », même si elle reste inachevée aux yeux des associations de défense des droits des femmes et des familles qui militent de longue date en sa faveur (1).

Reste que le principe même d'encadrer les relations parentales, et non plus seulement conjugales, marque une adaptation majeure de la législation aux réalités des configurations familiales. Ainsi, les couples québécois qui auront un enfant ou en adopteront un à compter du 30 juin 2025 seront de facto soumis à ce régime civil leur accordant des droits et obligations bénéficiant, jusqu'ici, aux seuls couples mariés.

Un outil du droit dans l'intérêt des enfants

Dans la province canadienne, où 42% des couples sont en union libre (2), le fait d'accorder aux conjoints de fait (appelés, en France, concubins) certains des droits réservés aux époux fait depuis longtemps consensus. En donnant un même cadre juridique "de base" à tous les parents en couple, même s'ils ne sont ni mariés, ni en union civile (l’équivalent de notre Pacs), le code civil québécois protège désormais mieux les enfants, et les mères, post-séparation.

C’est donc un nouvel outil du droit pour lutter contre l’appauvrissement des familles monoparentales et c’est une mesure d’égalité familiale.

Le patrimoine parental sera partagé à la séparation

La loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale crée ainsi un "patrimoine d'union parentale" : à la séparation, les résidences de la famille, les meubles et les véhicules (3), acquis pendant la durée de l'union seront partagés par moitié. Autre protection majeure : la résidence parentale ne pourra pas être vendue par le parent propriétaire (qui l'aurait achetée avant d'avoir un enfant) sans l’accord de l’autre.

Une union de fait, une liberté de choix respectée

Ce droit au partage du patrimoine familial a été, il y a onze ans, au cœur d’une affaire privée retentissante, «Eric c. Lola ». La Cour suprême du Canada avait alors débouté de ses demandes cette mère de trois enfants, ex-concubine d’un multimillionnaire. Les juges avaient bien reconnu que les partenaires en union libre sont discriminés par rapport aux couples mariés, puisqu’ils n’ont pas les mêmes droits, mais que cette discrimination est justifiée par le principe de la liberté de choix.

Le législateur québécois a respecté ce principe : si les parents qui auront ou adopteront un enfant à partir du 30 juin 2025 seront automatiquement assujettis à ce régime, ils pourront faire valoir un droit de retrait du patrimoine d’union parentale, d’un commun accord et par acte notarié. Ceux qui ont eu ou adopté des enfants avant l’entrée en application de l’union parentale pourront aussi décider d’y souscrire volontairement.

Des droits que tous les parents français n'ont pas

Reste que la loi québécoise introduit et garantit de nouveaux droits à tous les parents... qui n’existent pas chez nous. Premièrement, un droit à succession en cas de décès de l'un des parents. Sans testament, un tiers du patrimoine reviendra au parent survivant, deux tiers à ses enfants. En France, sans testament, ni le Pacs, ni l’union libre, ne permettent d’hériter de son conjoint s’il décède…

Deuxièmement, les conjoints en union libre pourront demander une prestation compensatoire après la fin de l’union parentale au tribunal «s’ils estiment s’être appauvris après avoir contribué à l’enrichissement du patrimoine de l’autre conjoint ». Une mesure également importante du point de vue de NVEF, qui milite pour une prestation compensatoire de parentalité… à la française !

A compter du 30 juin 2025, tous les couples qui ont un enfant ou en adopte un formeront de facto, aux yeux de la loi québécoise, une union parentale. Ce régime "matrimonial" universel protègera mieux les femmes et les enfants en cas de séparation ou de décès de l’un des parents.

(1) La Fédération des femmes du Québec fait ainsi des propositions depuis 2016 "pour une nouvelle législation du droit de la famille qui s’assure de prendre en compte la diversité de la composition des familles, qui évite que les femmes et les enfants portent le fardeau de l’appauvrissement inhérent à une séparation conjugale, qui s’assure d’un traitement égal des femmes peu importe leur statut et leurs identités et qui assure une cohérence entre le droit fiscal et civil." (communiqué de la FFQ, 18 mai 2024)

(2) Au Québec, 65% des enfants naissent hors mariage ; ils sont 58,5% en France.

(3) A lire sur le site de « Finance et investissement », l’analyse de Serge Lessard pour mieux comprendre les règles du partage du patrimoine d’union parentale.