Le Québec consacre l'union parentale
Vue de France, la réforme québécoise du droit de la famille adoptée le 30 mai dernier a tout l'air d'une révolution féministe. Outre-Atlantique, elle a certes été accueillie comme « un formidable pas dans la bonne direction ». Mais elle reste inachevée aux yeux des associations de défense des droits des femmes et des familles qui militent de longue date en sa faveur (1).
Un outil du droit pour lutter contre l'appauvrissement des familles monoparentales
Dans la province canadienne, où 42% des couples vivent en union libre, l'idée d'étendre aux conjoints de fait les droits et les obligations des époux fait depuis longtemps consensus. En donnant un même cadre juridique à tous les parents en couple n’étant ni mariés, ni en union civile (l’équivalent de notre Pacs), le code civil québécois protège désormais mieux les enfants, et les mères, post-séparation.
C’est un nouvel outil du droit pour lutter contre l’appauvrissement des familles monoparentales et c’est une mesure d’égalité familiale.
Un patrimoine d'union parentale partagé à la séparation
La loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale crée ainsi un "patrimoine d'union parentale" constitué des résidences de la famille, de ses meubles et véhicules (2). A la séparation, il sera partagé équitablement. Autre protection majeure : la résidence parentale ne pourra pas être vendue par le parent propriétaire sans l’accord de l’autre.
Une union de fait, une liberté de choix respectée
Ce droit au partage du patrimoine familial a été, il y a onze ans, au cœur d’une affaire privée retentissante, «Eric c. Lola ». La Cour suprême du Canada avait alors débouté de ses demandes cette mère de trois enfants, ex-concubine d’un multimillionnaire. Les juges avaient bien reconnu que les partenaires en union libre sont discriminés par rapport aux couples mariés, puisqu’ils n’ont pas les mêmes droits, mais que cette discrimination est "justifiée" par le principe de la liberté de choix.
Le législateur québécois a respecté ce principe : si les parents qui auront ou adopteront un enfant à partir du 30 juin 2025 seront automatiquement soumis à ce régime, ils pourront faire valoir un droit de retrait du patrimoine d’union parentale, d’un commun accord et par acte notarié. Ceux qui ont eu ou adopté des enfants avant l’entrée en application de l’union parentale pourront aussi décider d’y souscrire volontairement.
Des droits que tous les parents français n'ont pas
Reste que la loi québécoise introduit et garantit de nouveaux droits auxquels les parents ne pourront se soustraire. Et qui n’existent pas chez nous. Premièrement, un droit à succession en cas de décès de l'un des parents. Sans testament, un tiers du patrimoine reviendra au conjoint survivant, deux tiers à ses enfants. En France, sans testament, ni le Pacs, ni l’union libre, ne permettent d’hériter de son conjoint s’il décède…
Deuxièmement, les conjoints en union libre pourront demander une prestation compensatoire après la fin de l’union parentale au tribunal «s’ils estiment s’être appauvris après avoir contribué à l’enrichissement du patrimoine de l’autre conjoint ». Une mesure également importante du point de vue de NVEF, qui milite pour une prestation compensatoire de parentalité… à la française !
A compter du 30 juin 2025, tous les couples qui ont un enfant ou en adopte un formeront de facto, aux yeux de la loi québécoise, une union parentale. Ce régime matrimonial universel protègera mieux les femmes et les enfants en cas de séparation ou de décès de l’un des parents.
(1) La Fédération des femmes du Québec fait ainsi des propositions depuis 2016 "pour une nouvelle législation du droit de la famille qui s’assure de prendre en compte la diversité de la composition des familles, qui évite que les femmes et les enfants portent le fardeau de l’appauvrissement inhérent à une séparation conjugale, qui s’assure d’un traitement égal des femmes peu importe leur statut et leurs identités et qui assure une cohérence entre le droit fiscal et civil." (communiqué de la FFQ, 18 mai 2024)
(2) A lire sur le site de « Finance et investissement », l’analyse de Serge Lessard pour mieux comprendre les règles du partage du patrimoine d’union parentale.